Interview de Björn Gelotte (13 mai 2011)
Alors qu’IN FLAMES s’apprête à de nouveau déchaîner les passions de ses multiples fans et détracteurs, à l’occasion de la publication du premier disque d’une nouvelle ère faisant suite au départ du fondateur et co-compositeur de la formation Jesper Strömblad, c’est depuis son propre restaurant (ouvert récemment en association avec Peter Iwers, bassiste de la bande) que Björn, sympathique et disponible guitariste, répond à nos questions. Il aborde les nouvelles méthodes de travail du combo suédois, défend son dernier-né avec conviction, et botte gentiment en touche lorsqu’il s’agit d’évoquer le cas Jesper. Entretien téléphonique réalisé le 13 Mai 2011.
Fightfirewithfire
Il s’est passé beaucoup de choses depuis notre dernière rencontre en 2008. Peux-tu me résumer la vie d’IN FLAMES ces trois dernières années ?
Björn Gelotte
Waow ! (rires) Nous avons fait beaucoup de choses ! L’année dernière a été une période de repos jusqu’à ce que nous décidions de composer un nouvel album et commencions à travailler dessus. Nous avons beaucoup tourné mondialement depuis 2008, avec notamment un passage aux Etats-Unis puis en Europe, beaucoup de festivals également. Mais l’année 2010 n’a pas été très marquée par l’actualité, nous avons juste travaillé sur les nouvelles chansons.
FFWF : Trois ans après, quel regard poses-tu avec le recul sur A Sense Of Purpose, qui marquait en quelque sorte la fin d’une ère ?
BG : Mon sentiment est toujours très bon, c’était un album très important pour nous, nous expérimentions de nouvelles choses, comme sur chaque album d’ailleurs et il a été concerné par de longues tournées. Certains morceaux de cet album vont figurer dans notre répertoire live pour longtemps. Mais je préfère lenouvel album, qui est mieux produit, car c’est le dernier évidement (rires). A Sense Of Purpose est un bon album, qui est riche en guitares, mais le nouveau sonne vraiment mieux, bien mieux que le précédent.
FFWF : C’est la première fois que tu écris toute la musique seul, comment as-tu ressenti cette étape ? Etais tu inquiet à cette idée ?
BG : Je n’étais pas inquiet, rappelle toi que nous composions en binôme avec Jesper, nous faisions tout ensemble. Ce n’est donc pas la première fois que j’écris des chansons entières par moi-même. Cependant il est vrai que je ne savais pas trop comment j’allais procéder au début, j’aime jouer de la guitare mais c’est un bon test que de faire écouter et juger tes idées par quelqu’un d’autre, que tu puisses lui parler, c’est ce qui m’a manqué lorsque je me suis attelé à l’écriture. Mais j’ai de supers amis en les personnes d’Anders, Peter et Daniel, qui m’ont beaucoup aidé, tout s’est ainsi très bien déroulé.
FFWF : A l’arrière du livret il est mentionné « Musique et Paroles par Anders Friden et Björn Gelotte », peut on en déduire que, pour la première fois, tu as participé à l’écriture des textes ?
BG : Nous avons tout fait ensemble, Anders a bossé avec moi sur la musique et je l’ai un peu aidé concernant les paroles, mais notre travail commun a surtout concerné les arrangements.
FFWF : Lorsque tu écris la musique as-tu des lignes vocales qui te viennent à l’esprit ?
BG : Non, ce sont plutôt des mélodies, mais bon, pour la majorité du travail Anders maîtrise sa part et je fais la mienne, en réalité nous avons surtout choisi cette ligne car elle s’avérait plus facile et direct que : « Musique par Björn et Paroles par Anders ».
FFWF : Concernant la production vous avez à nouveau fait appel à Roberto Laghi (Ndlr : déjà aux commandes sur A Sense Of Purpose), comment la collaboration a-t-elle pris place cette fois ?
BG : En fait nous avons fait appel à Roberto très tôt dans le processus de création : dès la période de production. Il a ainsi pu développer une bonne approche des morceaux, ce qui a vraiment beaucoup aidé car c’est un homme très talentueux et expérimenté qui apporte beaucoup de bonnes idées. De plus, il comprend ce qu’on veut, nous n’avons pas besoin de lui donner beaucoup de détails sur ce que nous souhaitons obtenir, dès que nous entamons une discussion il sait ce que nous aimons, ce qu’il souhaite de son côté, c’est vraiment facile de bosser avec lui. Ca a donc vraiment été détendu, la grosse différence a surtout été le fait que nous nous sommes davantage concentrés sur le chant car nous disposions de plus de temps cette fois pour travailler dessus. Habituellement c’est la dernière chose à laquelle un groupe se consacre et je trouve cela dommage. Car le chant nécessite aussi de l’espace et autant d’efforts que la partie instrumentale. J’ai passé beaucoup de temps à composer la musique mais le chant nous a aussi occupés durant une longue période et nous avons pu l’intégrer pleinement dans le processus créatif.
FFWF : Vous avez eu recours à votre propre studio, prévoyez vous à ce sujet de créer votre propre label à l’avenir ?
BG : Oui, tout a été créé là bas, la première demo, la seconde, et l’enregistrement final. Au sujet du label nous en discutons, mais c’est très difficile de développer sa propre maison de disques, j’ai déjà énormément de choses auxquelles me consacrer et je suis pas suffisamment intéressé par un tel projet. Cela représente énormément de travail et si j’aime l’idée d’avoir un label qui soit capable de dénicher des groupes que j’apprécie et de leur donner une chance je n’ai vraiment pas le temps de m’y consacrer. De son côté Anders dirige déjà son propre label, je ne sais pas si les autres sont motivés par cela, bref j’aime l’idée mais je ne dispose pas du temps nécessaire à sa réalisation.
FFWF : Tu es donc malgré tout intéressé par l’idée de produire d’autres formations au sein de votre studio ?
BG : Oui absolument, je l’ai d’ailleurs déjà un peu fait par le passé et j’ai aimé travaillé avec ces gens qui ont une bonne idée de ce qu’ils veulent faire et ont besoin d’un peu d’aide. J’adore ça, cela représente beaucoup de fun que de travailler avec des gens vraiment créatifs.
FFWF : Au sujet du nouvel album, peux-tu nous en dire un peu plus sur la signification de cet étrange titre, Sounds Of A Playground Fading, et de cette pochette, avec son énigmatique horloge inversée et ce corbeau ?
BG : La pochette est plutôt en lien avec l’esprit général qui se dégage des textes,elle ne concerne pas que le titre. Tout cela découle d’un truc cool, une idée d’Anders lorsqu’il écrivait les paroles. On peut représenter cela comme s’il écrivait un livre pour nous, il nous en lit quelques lignes et nous essayons de nous représenter mentalement ce qu’il nous raconte. En gros il nous présente des images et nous devons tâcher d’y inclure notre propre expérience, c’est une autre dimension. J’aime cette façon d’écrire . Au sujet du titre, tu sais tout le monde prend de l’âge, tout le monde a vieilli, nous aussi, en tant que groupe d’abord mais également en tant que personnes. Nous ne sommes plus dans cet air de jeu (« playground » en anglais) que nous avons connu, où tout est sécurisé, où l’ont fait tout ce qui nous plaît sans se soucier des conséquences. C’est différent de nos jours, pour tout le monde, avec l’âge les sensations changent, même notre manière de vivre la musique. Ca a des conséquences. C’est intéressant ce mouvement de notre air de jeu vers l’inconnu, qui n’est en réalité ni plus ni moins que le vrai monde.
FFWF : N’est-ce-pas, d’une certaine manière, quelque chose que l’on pouvait déjà retrouver dans les thèmes de A Sense Of Purpose ?
BG : Oui c’est vrai, Anders possède un style d’écriture très personnel, basé sur ses expériences, ses intérprétations des choses qui l’entourent, qu’il perçoit et connaît. Bien sûr c’est un prolongement naturel de ce que l’on peut trouver sur A Sense Of Purpose, c’est l’étape suivante. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un concept, ce n’est pas une longue histoire qu’il voudrait raconter. Les paroles sont d’abord écrites pour des chansons précises, elles ne sont ainsi pas abordées de manière conceptuelle.
FFWF : Le premier single, « Deliver Us », est sorti il y’a une semaine, lis tu les réactions des fans sur Internet ?
BG : Non, je ne le fais pas…Il y’a eu quelques retours ?
FFWF : Oui, en tout cas en France il y’en a eu (rires).
BG : Ok, cool (rires). En fait nous faisons la musique pour nous, lorsque chacun de nous quatre ou cinq est heureux alors il n’y a plus de place pour quelqu’un d’autre. Nous créons notre musique pour nous uniquement, si les gens l’apprécient c’est cool, si ils n’aiment pas c’est très bien aussi…Il existe une multitude d’excellents groupes donc chacun y trouve son compte, ce n’est vraiment pas quelque chose d’important à nos yeux.
FFWF : J’en déduis que tu ne vis pas l’approche de la sortie de manière stressante ?
BG : Non, la période stressante c’est lorsqu’il s’agit que nous soyons tous satisfaits au sein du groupe (rires). C’est déjà un travail énorme !
FFWF : Cet album contient beaucoup de nouvelles expérimentations, combinées à cette touche IN FLAMES si particulière que nous avons l’habitude de reconnaître. Comment avez-vous procédé ? Suivez-vous simplement voire inconsciemment vos désirs sur le moment ou avez-vous clairement pris le parti avant les sessions d’écritures et d’enregistrement de vous dire « on va tester ça ou ça pour faire quelque chose de nouveau » ?
BG : Je pense que tout ce qui sonne de manière expérimental sur cet album représente simplement ce dont la chanson avait besoin pour nous plaire à tous. Nous n’avons rien planifié du genre : « mettons cet élément là, ou essayons ceci… ». Ce que nous faisons à la place c’est que nous analysons le morceau : « il manque de ceci, il a besoin de cela » ou « voilà vers quoi il devrait tendre pour atteindre vraiment le bon ressenti ». Ce n’est donc pas quelque chose que nous planifions mais quelque chose que nous aimons. Garde à l’esprit que nous allons devoir interpréter ces titres un bon million de fois sur scène (rires), il faut donc que le résultat soit assez intéressant et bon à nos yeux, évidemment nous changeons un peu nos horizons mais toujours dans l’optique de rendre les choses plus intéressantes.
FFWF : Il y’a beaucoup plus de colorations Heavy Metal dans cet album, avec beaucoup de soli et même une atmosphère beaucoup plus rock sur un titre comme « Liberation ». Penses-tu que cela traduise ta passion pour des groupes comme BLACK SABBATH, RAINBOW ou IRON MAIDEN ?
BG : Je suis sûr que s’il y a d’avantage d’éléments traditionnels c’est parce que j’écris tout. C’est ma façon de procéder, cela coule dans mes veines, bien sûr j’ai aussi du Death dans mon sang donc il s’agit d’un mélange de tout cela plus une petit touche que nous affectionnons tous dans le groupe. Je suis un guitariste donc de mon point de vue un solo est essentiel, crucial même, il doit intervenir au cœur d’une chanson. C’est évidemment un point de vue de guitariste et il faut qu’il y’en ai pour tout le monde afin que chacun se sente à l’aise, ainsi pour moi le solo représente le must d’une chanson alors que, concernant Anders, c’est le chant qui lui donne son sens. Difficile à dire en tout cas mais ces plans de guitares sont définitivement le témoin de là où je viens.
FFWF : « A New Dawn » est l’un des titres les plus expérimentaux avec ses excellentes orchestrations, comment cette idée est elle venue à votre esprit ? Etes-vous attirés par l’idée de jouer avec un vrai orchestrer à l’avenir ?
BG : (Rires) J’ai déjà eu cette question, je ne sais pas trop, je n’ai jamais essayé mais je pense que ça peut être intéressant à faire de manière ponctuelle, une fois pour essayer. C’est un exercice qui a déjà été brillamment expérimenté par d’autres, je pense à METALLICA, DIMMU BORGIR va bientôt le faire également, bref beaucoup de gens… Je ne sais pas si ce serait vraiment intéressant que nous le fassions, mais au sujet de cette chanson nous voulions un « truc », quelque chose de spécial, pas de claviers car ça n’aurait pas sonné juste, ce n’était pas l’émotion que nous recherchions pour ce titre. Alors Roberto a avancé le fait qu’un de ses amis était un excellent violoncelliste, ce dernier a écrit de nombreuses partitions et arrangements, il est venu au studio, a écouté le morceau et s’est exclamé : « Wow c’est super ! Je vais essayer ça ou ça… « . Il a par la suite écrit une partition et le résultat sonnait vraiment de manière géniale ! Tous les cinq jouant dans le studio, c’était vraiment fantastique, professionnel mais plaisant.
FFWF : « The Attic » m’évoque à certains égards le titre « Evil In A Closet » (qui apparaît sur l’album Soundtrack To Your Escape (2004)) y-a-t-il des connexions entre ces deux morceaux ?
BG : (Rires) Non, mais c’est intéressant que tu soulignes ce point… Ce n’est certes pas la même histoire qui est traitée dans les textes, mais c’est vrai que l’on y retrouve cette atmosphère que j’adore, un peu effrayante…enfin pas vraiment effrayante mais plutôt une sensation similaire à ce que pourrait évoquer un conte pour s’endormir, j’aime beaucoup ça.
FFWF : La chanson « The Jester’s Door » est vraiment surprenante, je m’attendais à un titre instrumental mais ce n’est pas vraiment le cas ! Peux-tu nous en dire plus, notamment au sujet des paroles ?
BG : En fait, il était prévu que ce soit une chanson. Mais le texte consiste en un morceau de paroles qu’Anders avait écrit et ne voulait pas jeter, il souhaitait la réutiliser quelque part mais ne savais pas comment. Cela comptait beaucoup pour lui, et pour nous… C’est vraiment une pure expérimentation, une sensation, une émotion, un environnement plutôt qu’une chanson. C’est extrêmement expérimental mais je trouve que cela colle parfaitement à la place qui est la sienne sur le disque, nous avions besoin d’une cassure parmi toutes ces parties Heavy, il fallait une respiration, de l’air. J’adore la manière dont ce titre intervient.
FFWF : Vous allez bientôt vous produire en tant que tête d’affiche sur la scène du Hellfest, quelques jours avant la sortie officielle de l’album, prévoyez-vous quelque chose de spécial sachant que beaucoup de personnes s’attendent à découvrir de nouvelles chansons ? Peut être avez-vous déjà commencé à répéter quelques nouveaux titres ?
BG : Nous n’avons pas encore vraiment répété (rires), mais nous allons le faire juste avant de partir en tournée. Nous jouerons sûrement quelques chansons car c’est ce que le public attend, en réalité cela dépend de la durée du set mais je pense que nous allons certainement interpréter un ou deux extraits du nouvel album.
FFWF : Vous vous arrêterez également en Novembre prochain au mythique Olympia, c’est une salle extraordinaire mais également inhabituelle pour un groupe de metal, est-ce un choix personnel ?
BG : Ah ? Tu me l’apprends, je ne le savais pas encore, j’ai dû louper un mail ! Je vais me renseigner, mais ce que tu me dis a l’air cool !
FFWF : Pour terminer une petite question au sujet de Jesper, le tenez-vous informé de la production musicale d’IN FLAMES ? A-t-il écouté le nouvel album ?
BG : Il n’a pas écouté l’album entier mais quelques morceaux, nous nous voyons dès que possible, nous avons d’ailleurs passé la soirée d’hier ensemble, c’était vraiment un bon moment. Nous gardons le contact mais il est très occupé avec son nouveau groupe, et de mon côté je viens d’ouvrir un restaurant avec Peter, il y’a le nouvel album, la promotion, les répétitions pour la tournée à venir, la tournée à monter, plein de choses à prévoir…
FFWF : As-tu pu poser une oreille sur son nouveau projet (THE RESISTANCE) ?
BG : Non, je n’ai encore rien entendu, rien du tout. Mais je suis presque sûr que je vais en écouter bientôt (Rires).
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